Les nouveaux lieux de travail et leurs impacts sur les contrats

Le 28 février 2024  / Dans Actualité juridique

Nouveau lieu de travail à 35 km : Modification du contrat en cas de fatigue et frais additionnels

Lorsque l’employeur envisage de déplacer le lieu de travail, la question cruciale est de savoir si cela entraînera un simple changement des conditions de travail ou une modification du contrat de travail pour les salariés concernés.

Une récente affaire devant la Cour de cassation en date du 24 janvier 2024 illustre l’importance de prendre en compte la fatigue et les frais supplémentaires induits par le déplacement du lieu de travail, en particulier en l’absence de transports en commun adéquats et de possibilités de covoiturage.

– Appréciation des modifications des contrats de travail

La première étape pour l’employeur est de déterminer si le nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique que l’ancien. Si c’est le cas, il s’agit généralement d’un simple changement des conditions de travail. Cependant, si le nouveau lieu se trouve dans un secteur géographique différent, la procédure de modification des contrats de travail doit être suivie.

 

/!\ L’accord préalable d’un salarié protégé est toujours requis, que ce soit pour un changement des conditions de travail ou une modification du contrat.

Egalement, lorsque que le contrat du salarié prévoit une clause précisant le lieu  exclusif de travail, la procédure de modification du contrat s’applique nécessairement (cass. soc. 3 juin 2003, n° 01-40376)

– Critères pour définir le secteur géographique

Il n’existe pas de définition légale du secteur géographique, mais les juges ont établi certains critères tels que la distance entre l’ancien et le nouveau lieu de travail (cass. soc. 27 mai 1998, n° 96-40929), la durée du trajet (cass. soc. 26 janvier 2011, n° 09-40284  ; cass. soc. 7 juillet 2016, n° 15-15342), l’état des transports en commun (cass. soc. 16 novembre 2010, n° 09-42337), et l’existence d’un bassin d’emploi homogène (cass. soc. 20 février 2019, n° 17-24094).

– Affaire du 24 janvier 2024 : nouveau lieu de travail à 35 km

Dans cette affaire, le nouveau lieu de travail était situé à 35 km du précédent, dans un bassin d’emploi différent, or :

  • Le covoiturage était difficile à mettre en place en raison des horaires de travail, et
  • Les transports en commun n’étaient pas facilement accessibles.

Les juges ont pris en compte la fatigue et les frais supplémentaires pour le salarié, concluant que les deux lieux de travail n’appartenaient pas au même secteur géographique, modifiant ainsi les termes du contrat.

Conséquences d’une modification injustifiée

L’employeur a imposé le nouveau lieu de travail sans suivre la procédure adéquate et a licencié le salarié pour son refus. La Cour de cassation a statué en faveur du salarié, condamnant l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Précédent jurisprudentiel

En l’occurrence, dans une précédente affaire, les juges d’appel avaient pris en compte le stress important et le coût de l’essence et de l’entretien d’automobile occasionnés par le nouveau lieu de travail, et la Cour de cassation avait aussi validé leur appréciation (cass. soc. 3 février 2017, n° 15-21674).

– Contraintes à prendre en compte et mesures à prendre

L’employeur doit évaluer les contraintes supplémentaires imposées au salarié par le nouveau lieu de travail (par exemple : absence de transports en commun accessibles).

Ainsi, l’employeur doit pouvoir prendre des mesures (la mise à disposition de véhicules de service (cass. soc. 3 avril 2013, n° 11-23678) ou l’organisation du covoiturage).

Il est essentiel de conserver des preuves de façon anticipées en cas d’éventuel litige.

– Considération de la situation personnelle du salarié

Si par principe, la situation personnelle ne doit généralement pas influencer l’appréciation de l’identité du secteur géographique (cass. soc. 4 mai 1999, n° 97-40576), une brèche semble s’ouvrir pour prendre en compte la situation personnelle du salarié lorsque le nouveau lieu de travail génère des contraintes en termes de fatigue, de stress, et de coûts. Cela peut être justifié par l’obligation légale de sécurité de l’employeur envers ses salariés.

Les juges doivent également vérifier, quand le salarié en fait état, si la décision d’affectation porte atteinte aux droits du salarié à la santé et au repos et à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (c. trav. art. L. 1121-1 ; cass. soc. 16 novembre 2016, n° 15-23375).

 

**Conclusion**

La question de la modification du lieu de travail est complexe. Les employeurs doivent respecter les procédures légales et prendre en compte les impacts sur les salariés. La jurisprudence, telle qu’illustrée par cette affaire récente, souligne l’importance de considérer la fatigue et les frais supplémentaires pour les salariés afin de déterminer si un nouveau lieu de travail modifie les termes des contrats de travail.

 

Pour d’autres articles sur l’actualité sociale, c’est par ici !

Vous pourriez aimer aussi

Le projet de loi sur les congés payés en cas d’arrêt maladie : c’est adopté !

Le 10 avril 2024  / Dans Actualité juridique

Un amendement crucial pour la conformité avec le droit européen Ce mercredi 10 avril 2024, le Parlement français a entériné le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union…

Lire plus 

Congés payés et arrêt maladie : Analyse de l’avis du Conseil d’État

Le 15 mars 2024  / Dans Actualité juridique

Le 13 mars 2024, le Conseil d’État a émis un avis sur le projet d’amendement gouvernemental visant à aligner le droit du travail français sur les normes européennes concernant…

Lire plus 

Les mesures pour l’emploi en 2024

Le 8 mars 2024  / Dans Actualité juridique

1. PORTABILITÉ DES ÉQUIPEMENTS DE COMPENSATION. À partir de maintenant, en cas de changement d’employeur par un travailleur handicapé, les deux entreprises impliquées ont la possibilité de formaliser un accord…

Lire plus